Quelle est l’utilité du mercato d’hiver ?

Seconde période de transferts de la saison, le mercato d’hiver 2015 se déroule en France du 4 janvier au 2 février. Un mois durant, les clubs de France et de toute l’Europe du foot peuvent vendre et acheter des joueurs. L’occasion de corriger quelques erreurs ou de combler des manques. Mais les risques de hors-pistes sont nombreux : joueurs de moindre qualité, en situation d’échec et donc en manque de forme et de confiance, un temps d’intégration handicapant lorsque l’on espère un apport immédiat. Alors quelles raisons poussent encore les clubs à y participer ?

La première raison est un mauvais début de saison, la volonté de rétablir les choses après une première partie de saison jugée ratée. Non seulement en termes quantitatifs, compte tenu du nombre de points pris et du classement, mais aussi en termes qualitatifs lorsque l’on s’intéresse au jeu proposé. Et cette appréciation dépend bien évidemment des objectifs déclarés en début de saison. C’est à l’aune de ce baromètre que le bilan de mi-saison se fait.

Ainsi, le RC Lens, 16ème avec 19 points, a moins besoin de renforts que l’OGC Nice, pourtant 12ème avec 22 points. Simple promu, interdit de recrutement, le moral au beau fixe, les Lensois s’attendaient à souffrir et sont dans les clous par rapport à leur but. Nice l’est beaucoup mois : équipe confirmée de Ligue 1, nouveau stade, supporters aux attentes élevées, objectif de finir dans les sept premiers : ils sont loin de justifier leur statut.

Le scénario classique se met alors en place : des recrues sont exigées. Soit par l’entraîneur lui-même, frustré, soit par les supporters, déçus et impatients. Si toutes les composantes du club sont d’accord sur le constat fait, la nécessité de recruter, se pose ensuite la question : qui ? Le joueur doit répondre aux besoins du club en termes de profil : caractéristiques physique et technique, poste, expérience…

Deux problèmes de tailles sont ici inévitables : le manque de joueurs de qualité disponibles et un budget restreint. Les mouvements d’importance, les joueurs demandés et reconnus sont transférés l’été, au commencement d’une saison, afin d’être le plus efficace possible, dans les meilleures conditions. Et non 4 mois avant la fin de saison, sans connaître leurs coéquipiers, sans avoir fait de préparation avec eux, la tactique de l’équipe… Et les ressources financières sont limitées car le gros du budget a été entamé lors de l’été, lorsque le club recrute ses cibles de choix.

Deuxième raison de participer à ce mercato : le besoin d’ajuster l’effectif. Contacté par nos soins, Les Dé-managers expliquent : « Le mercato d’hiver est censé permettre aux clubs de réaliser des ajustements à mi-saison, après avoir déjà eu cinq-six mois pour juger leur effectif de la saison et ses failles ». On dénombre trois possibilités.

Premier constat simple : un profil manque à l’équipe. Cette dernière présente des performances acceptables voire bonnes mais pense pouvoir s’améliorer avec une petite retouche. La volonté d’avoir un arsenal de possibilités plus élargi. Exemple : le retour, il y a quelques jours, de Fernando Torres à l’Atlético Madrid. L’entraîneur Diego Simeone a déclaré « Nous manquions d’un joueur de profondeur, l’équipe aura plus de possibilités ». Il a même reconnu la situation difficile du joueur en confiant : « L’équipe va bien, Fernando ne vient pas en sauveur, tout ne repose pas sur lui. »

Fernando Torres, lors de son retour face au public de l'Atlético Madrid. (Crédit photo : sofoot.com)

Fernando Torres, lors de son retour face au public de l’Atlético Madrid. (Crédit photo : sofoot.com)

Autre situation : un joueur désire quitter le club. Selon les rumeurs, Thiago Motta aurait d’ailleurs exigé un bon de sortie aux dirigeants du Paris Saint-Germain. Si jamais le club venait à céder et préférait s’en séparer, il pourrait ensuite chercher à recruter pour le remplacer. Afin que l’effectif reste équilibré.

Dernière possibilité : se délester des joueurs inutiles. Entre ceux sur le banc ou en réserve qui n’apportent rien, ceux qui sont en fin de contrat (moins impliqué, ou dernière chance de faire un peu d’argent) voire ceux qui sont mis au placard, il y a de quoi faire. En bref, tôt ou tard ces joueurs deviennent un poids, financier avant tout, pratique ensuite.

Certains sont même ingérables et peuvent mettre en péril l’équipe, provoquant des remue-ménages déstabilisant la bonne marche de l’équipe, ses résultats, son ambiance, sa dynamique. Les Dé-managers corroborent : « Chaque opération implique un risque d’échec individuel qui peut même déboucher sur une déstabilisation du collectif ». Il faut alors vendre, tant pis s’il faut brader et perdre de l’argent.

Troisième raison : compenser les départs à la Coupe d’Afrique des Nations. Tous les deux ans, le continent Africain organise un tournoi international rassemblant ses meilleures équipes. La CAN 2015 a lieu du 17 janvier au 8 février en Guinée Equatoriale et réunie les 16 meilleures équipes. La France, principale destination des joueurs Africains, en pâtit régulièrement. Les clubs voient partir entre 3 et 5 joueurs de leur effectif, pour un mois. A cela, il faut ajouter le retour souvent difficile du joueur (vacances impromptues prises en famille, retour déprimé, le physique entamé).

Les joueurs Zambiens célèbrent un but lors de leur CAN victorieuse en 2012. (Crédit photo : sofoot.com)

Les joueurs Zambiens célèbrent un but lors de leur CAN victorieuse en 2012. (Crédit photo : sofoot.com)

En 2013, Evian, Ajaccio et Brest avaient chacune perdu 5 joueurs . Pour des clubs à l’effectif et au budget limités, c’est un vrai désavantage. Ensuite, il arrive que le club ne puisse plus faire face à quelques blessures ou suspensions et se voit contraint de recruter, afin de remplacer numériquement les joueurs partis. Cette problématique contraint même certains clubs à moins recourir aux joueurs Africains. Bordeaux et Rennes ont avoué réorienter leur recrutement afin d’éviter ces situations compliquées tous les deux ans.

En somme, ce mercato d’hiver concerne avant tout les petits clubs, tout au moins ceux en difficulté. Il y a bien trop de chances de ratés pour qu’une équipe qui tourne bien s’y risque. Pour Les Dé-managers, le constat est clair : « Pour les équipes en difficulté, le but est de trouver LA recrue qui permettra de s’en sortir, au moins en apportant un état d’esprit et une certaine fraîcheur à un groupe qui galère. Pour celles à la lutte pour les premières places, la prime est souvent à la stabilité, justement parce qu’altérer une bonne dynamique en faisant venir de nouveaux joueurs, ce n’est pas forcément toujours une bonne idée ».

Un point commun à tous les clubs et toutes les situations abordées : corriger une lacune plutôt que construire sur le long terme. On voit bien plus souvent des recrutements « opération maintien », comme le Sochaux d’Hervé Renard avec ses trois recrues Gambiennes en 2013, qu’un recrutement haut de gamme (qui peut également s’avérer être un échec retentissant, pour les raisons évoquer dans le chapeau, tel Torres à Chelsea en 2011, pour 58 millions d’euros).

Hervé Renard, entraîneur quasi-sauveur à Sochaux, d'octobre 2013 à juillet 2014. (Crédit photo : lequipe.fr)

Hervé Renard, entraîneur quasi-sauveur à Sochaux, d’octobre 2013 à juillet 2014. (Crédit photo : lequipe.fr)

Florian Gazan abonde : « le mercato d’hiver est un sous-mercato car il concerne rarement les très gros clubs » puis développe sa pensée en expliquant qu’il s’agit « plus d’un mercato d’appoint dont les bienfaits sont incertains. Quand on voit l’exemple de Cabaye recruté l’hiver dernier et son apport réel au PSG, on peut s’interroger ». En arrière plan, une impression se dégage : le besoin prend le pas sur les risques. Les petits comme les grands clubs cessent d’agir de la manière la plus rationnelle, avec un calcul coût/avantages/risques mis de côté en invoquant les Dieux du foot.

L’utilité et les bienfaits de ce mercato d’hiver sont tellement contestés que sa forme actuelle même commence à être remise en question. « Ce mercato hivernal finira par mourir de lui-même. Pour être remplacé, pourquoi pas, par le joker qu’on pourrait sortir du cadre purement médical » avance ainsi Florian Gazan. Une alternative qui semble intéressante puisqu’elle répondrait aux principaux problèmes (joueurs blessés, indisponibles pour la CAN, etc) tout en préservant l’équité. Une solution qui fait écho au « on ne change pas les règles du jeu en pleine partie », critique formulée par le même Florian Gazan. Les clubs seraient ainsi sur un pied d’égalité, mais le nombre de transferts chuterait alors drastiquement. Pas sûr que l’ensemble des agents et journalistes sportifs se réjouiraient d’une telle nouveauté.

[ENQUÊTE] A l’OM, la billetterie, c’est fifty-fifty

L’association des supporters de Marseille gère elle-même les abonnements virage depuis 1987. Des billets vendus à prix cassés (-50% !), qui pénalisent le club en termes financiers, mais aussi les supporters. Retour sur une gestion ancrée dans les mœurs qui freine le développement du club.

A Marseille, rien ne se passe comme ailleurs, surtout en football. Le club doit composer avec ses proches partenaires, notamment de l’association des supporters, laquelle tire le prix des abonnements vers le bas, chaque année.

L’impact des abonnements virage à prix cassés

Commençons avec les chiffres de cette saison 2014-2015 : 31000 abonnements ont été vendus par l’association des supporters de l’OM, uniquement les places dans les virages Sud et Nord, et non pas dans l’ensemble du stade qui compte 67394 places au total. Le reste des tribunes (Jean Bouin, Gustave Ganay) relève toujours du club. Heureusement d’ailleurs, car sinon les pertes seraient telles qu’il s’écroulerait aussitôt. Pourquoi ? Car l’association vend un abonnement, pour les 19 matchs à domicile de la saison, à des prix allant de 150€ (commando ultra virage sud) à 190€ (les Winners). Disons donc 170€ en moyenne, approximativement, afin d’avoir un ordre d’idée et un chiffre cohérent défini. Alors que le club, lui, le vend 345€ ! Un rabais de 50% donc, c’est énorme. Lire la suite